Conférence : Egalité filles garçons commence à la crèche

Conférence : Egalité filles garçons commence à la crèche

Vendredi 1er avril à 20H30 à la Salle Gascogne de Colomiers, Françoise Laborde est l'invitée de Mme Traval-Michelet, Maire de Colomiers, afin d'ouvrir la conférence intitulée : L'égalité filles garçons, commence à la crèche : quelles propositions dès le plus jeune âge ?

Voici le texte de mon intervention :

Je tiens tout d’abord à remercier Madame le Maire et son équipe pour leur invitation à ouvrir cette conférence sur un thème qui me tient particulièrement à cœur et sur lequel j’ai travaillé dans le cadre de la délégation au droit des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat.
Il s’agit d’une délégation, composée de sénateurs et sénatrices issus de différents groupes politiques et commissions, chargée de travailler sur des sujets au regard de leurs conséquences sur les droits des femmes et sur l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
C’est ainsi que j’ai travaillé dans le cadre de l’examen de la loi « Santé » sur certains chapitres de ce texte en m’attachant à la place des femmes. Ainsi, 28 recommandations ont été faites par la Délégation au titre de ce travail, certaines de ces conclusions visant à une meilleure prise en compte des fragilités spécifiques aux femmes.
Parmi ces fragilités, celles qui relèvent des maladies cardiovasculaires ont plus particulièrement attiré l’attention de notre travail. Les risques liés aux maladies cardiovasculaires pour les femmes sont insuffisamment connus, alors que ces pathologies représentent la première cause de mortalité pour les femmes et tuent huit fois plus que le cancer du sein.
Dans le domaine du cancer, les informations recueillies attestent que des progrès peuvent encore être accomplis en matière de prévention du cancer du col de l’utérus.
Autre risque majeur : l’augmentation du tabagisme féminin, directement responsable de l’accroissement sensible de la mortalité des femmes par cancer du poumon, alors que cette cause de mortalité a diminué pour les hommes. Une prévention précoce – préconisée par une autre de nos recommandations – est d’autant plus indispensable que, selon un rapport officiel, une femme sur six fumait encore quotidiennement, en 2010, au cours du troisième trimestre de sa grossesse.
En ce qui concerne les violences, plus particulièrement sexuelles, dont les conséquences sur la santé sont évidemment considérables, il semble que le repérage des victimes par les professionnels de santé puisse encore être amélioré, notamment par une meilleure sensibilisation aux aspects juridiques de leur intervention.
Un dernier rapport de la DDF intitulé « 2006-2016 : un combat inachevé contre les violences conjugales » est disponible en ligne sur le site du sénat. Il dresse le bilan implacable des violences au sein des couples en France et montre que des progrès restent à réaliser pour améliorer la prise en charge des victimes – dont font partie les enfants -, s'agissant plus particulièrement du traitement des conséquences psychologiques de ces violences.
S’agissant des risques environnementaux, on sait que l’exposition à des substances nocives au cours des périodes prénatale et périnatale et pendant l’adolescence a des conséquences tout au long de la vie. Il nous a donc semblé souhaitable de préconiser le renforcement de l’information des femmes enceintes, des parents et de tous les professionnels en contact avec de jeunes enfants, au sujet de la toxicité de certains produits.
Comme vous pouvez le constater : l’égalité entre hommes et femmes est un sujet transversal, il passe par de nombreux thèmes, santé, travail, environnement, etc !
Dans le cadre des travaux de la Délégation, nous avons également abordé le sujet de l’accueil des jeunes enfants.
Je sais d’ailleurs que ma venue est liée à l’envoi d’un rapport auquel j’ai participé, intitulé « Les modes d’accueil des jeunes enfants : un enjeu central de l’égalité entre les femmes et les hommes ».
Nous avions souhaité aborder ce sujet sous l’angle de l’égalité professionnelle. Si aujourd’hui les taux d’emploi entre femmes et hommes se rapprochent, l’arrivée des enfants modifie profondément les situations d’emploi des femmes. Malgré une politique familiale que de nombreux pays peuvent nous envier, les trajectoires d’emploi des femmes restent fortement influencées par le nombre et l’âge des enfants. Ce sont bien souvent elles qui font le choix (forcé) d’un passage à temps partiel ou elles encore qui rencontrent des difficultés à retrouver un emploi après un congé parental ,…
Ainsi, la délégation a souhaité exprimer, à travers ce rapport, que la problématique de l’accueil des jeunes enfants rejoint la lutte contre les stéréotypes masculins et féminins, notamment au travers de la valorisation des métiers de la petite enfance et de leur ouverture à un nombre croissant d’hommes, mais aussi au travers des activités proposées aux enfants dans un esprit d’égalité filles garçons.
C’est précisément sur ce deuxième axe de travail que nous rejoignons le sujet qui nous rassemble ce soir.
Déjà plusieurs recommandations avaient été formulées par la Délégation, notamment dans le cadre du travail mené en 2014 sur l'appréhension et la déconstruction des « stéréotypes sexistes dans les manuels scolaires ».
Au-delà de sa fonction d'organisation des connaissances à un moment donné, le manuel scolaire est aussi un lieu symbolique de construction et d'expression des valeurs d'une société. Il est, par ailleurs, un outil de transmission entre l'école et les familles. Parfois unique livre à entrer dans le foyer, en particulier dans les familles culturellement les plus défavorisées, il peut constituer un levier de changement social. C'est en ce sens qu'il peut être un vecteur non négligeable de promotion de l'égalité entre les sexes.
La délégation a entendu des professionnels de l'éducation, des représentants de la conception des programmes et de l'édition scolaire ainsi que des acteurs institutionnels. Le constat dressé est sévère : les manuels restent des outils pédagogiques très perfectibles sur le plan de l'éducation à l'égalité.
Cette même année, à l'approche des fêtes de fin d'année nous avions publié un rapport intitulé « Jouets : la première initiation à l’égalité » qui s'inscrivait dans une démarche pragmatique. Nous souhaitions attirer l'attention tant des professionnels de l'industrie du jouet que des parents et des acteurs du service public de l'enfance sur l'intérêt de proposer aux enfants des jouets et des jeux qui ne soient pas porteurs de messages sexistes.
L'enjeu est double car il permet de revenir sur l'existence d'univers de jeux séparés entre filles et garçons et ainsi de préparer par les jouets une société d'égalité entre femmes et hommes.
Il permet également de faire en sorte que jouets et jeux, en eux-mêmes ou par la présentation qui en est faite, ne contribuent pas à limiter la créativité des filles.
En d'autres termes, il s'agit donc d'élargir le champ des possibles de tous les enfants, filles et garçons, et de permettre que l'égalité et le «vivre ensemble» commencent avec les jouets.
Dans cette logique, la délégation a formulé plusieurs recommandations pour faire des jouets la première initiation à l'égalité. Je ne citerai que celles relevant de la formation des acteurs de la petite enfance :
-    Rendre obligatoire les modules de sensibilisation aux stéréotypes dans toutes les formations qui ont un lien avec l’encadrement des enfants  (ESPE, CAP Petite enfance, animateurs des temps d’activité périscolaire et titulaires du BAFA, etc etc)
-    Organiser de sessions d’information des personnels du service public de l’enfance (crèches, écoles, ludothèques, bibliothèques, …) sur l’achat et la mise en espace des jouets proposés aux enfants, de manière à favoriser le « vivre ensemble »
-    Organiser, dans les temps d’activité périscolaire, des ateliers d’observation et d’éducation à la pratique partagée des jouets.

Quel modèle de société voulons-nous transmettre à nos enfants ?
C’est la question qui a été le plus souvent soulevée lors des différents travaux sur l’égalité filles, garçons.
La différenciation limite les chances de « vivre ensemble » pour les hommes et les femmes de demain, il s’agit d’un enjeu démocratique car la lutte contre les stéréotypes, particulièrement quand ils touchent à l’enfance, vise à former les futurs citoyens, hommes ET femmes d’une même société.
Cette dichotomie peut contribuer à renforcer ou à susciter des inégalités que l’on retrouvera plus tard dans les comportements des hommes et des femmes, tant dans la sphère intime que professionnelle. Cette assignation à la réussite et à la compétition chez les garçons, à la docilité et au conformisme chez les petites filles est avant tout porteuse d’inégalité dans les futurs rapports entre hommes et femmes adultes.
Egalité, citoyenneté et vivre ensemble sont également les piliers d’une valeur que je défends ardemment : la laïcité.
Je n’aurai de cesse de le rappeler à chacune de mes interventions, la laïcité est le garant de notre vivre ensemble.
Elle fait partie de notre patrimoine républicain et occupe une place importante dans la vie quotidienne. La laïcité, c’est pour l’individu la liberté de croire ou de ne pas croire, c’est la liberté de croyance, c’est la liberté d’expression, le droit de pouvoir choisir ou de pouvoir changer. Elle repose avant tout sur l’idée d’équité et de justice et en cela c’est aussi le rejet du racisme, de la xénophobie, du sexisme et de toutes les formes de discrimination.
Elle est un principe moderne qui montre la voie pour assurer un vivre ensemble apaisé.
Pour conclure, je partagerai avec vous quelques exemples qui nous font espérer que le changement de l’égalité est bien en marche.
Le métier de médecin tel qu’il est illustré par les jouets est très intéressant à analyser, dans la mesure où, d’après les photographies des catalogues des boîtes de jouets, il semble exercé essentiellement par des garçons ; les filles étant plutôt cantonnées aux rôles d’infirmières.
Pourtant, les femmes sont majoritaires en écoles de médecine et le seront bientôt dans la profession ; inversement, il existe de plus en plus d’hommes infirmiers.
L’exemple du métier de pompier est également flagrant, toujours représenté par un garçon alors que le Ministère de l’Intérieur fait observer qu’en 2014, un pompier sur huit est une femme et ce chiffre est en progression !
Encore une fois, la réalité sociale est donc étouffée sous les stéréotypes.
Je m’arrêterai là car vous le constatez, il s’agit d’un sujet éminemment transversal et qui me passionne.
Comme je l’ai déjà souligné à plusieurs reprises, je vous invite à consulter les nombreux rapports de la Délégation au Droits des Femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur le site du Sénat. Ils sont tous disponibles au format pdf et peuvent se révéler une source de réflexion ou base de travail très intéressante.
Je terminerai en saluant le travail fait par l’association Artémisia que je connais depuis de nombreuses années et que je soutiens autant que possible. Jacqueline Martin, avec qui je suis le plus en contact, mène un combat de tous les instants qu’il faut saluer. Sa détermination et sa pugnacité sont le garant de l’excellence du travail accompli au travers de leurs actions : Egalicrèche ou Egalilycée !
Continuons le travail, car en ce qui concerne l’égalité des femmes et des hommes c’est comme dans le marathon, ce sont les derniers mètres les plus difficiles !
Merci de votre attention.