Accessibilité des personnes handicapées aux lieux publics et habitations

Accessibilité des personnes handicapées aux lieux publics et habitations

Françoise Laborde est intervenue, le 24 juin 2014, au Sénat dans la discussion générale relative au projet de loi sur la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.

Lire son intervention et la réponse de Mme NEUVILLE, Secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, ci-dessous :

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées impose la mise en accessibilité des établissements recevant du public et des transports publics pour 2015. Elle a constitué un formidable signe d'espoir pour les personnes handicapées et pour leur famille.

Pourtant, quelques mois avant l'échéance, force est de constater que nous sommes bien loin du compte : à peine plus de la moitié des écoles et seulement 42 % des réseaux de bus sont accessibles aux personnes en situation de handicap. Quant à la situation des commerces et des cabinets médicaux, par exemple, elle est loin d'être satisfaisante.

Certes, des efforts ont été incontestablement déployés par les acteurs concernés. Dans son baromètre 2013, l'Association des paralysés de France constatait ainsi que l'accès aux mairies, aux stades, aux bureaux de poste ou aux centres commerciaux s'était considérablement amélioré. Je tiens, en particulier, à saluer l'engagement des élus locaux qui, malgré les contraintes financières que la loi de 2005 leur impose, se battent pour rendre la vie de la cité accessible à tous.

Pour autant, nous le savons depuis quelques années déjà, l'échéance de 2015 ne sera pas tenue. En cause : une réglementation trop complexe, une absence de concertation, un manque de volonté politique et surtout un impact financier sous-évalué, principalement pour les communes ou les intercommunalités.

Dans ces conditions, quelle solution s'offrait au législateur ? Nous pouvions ne rien faire et laisser les contentieux se multiplier dès 2015. Cependant, sanctionner ceux qui n'ont pas rempli les objectifs fixés par la loi de 2005 ne constitue pas, à mon sens, une solution satisfaisante pour les personnes en situation de handicap. Il est préférable d'accompagner ceux qui n'auront pas achevé la mise aux normes, de leur donner les moyens nécessaires afin d'y parvenir rapidement. Même si, en tant que parlementaire, je regrette que le Gouvernement ait choisi la voie des ordonnances, il ne fait pas de doute que c'était la solution la plus sage, car il fallait agir vite.

Bien sûr, j'entends les inquiétudes des différentes associations, qui ne peuvent accepter que l'intégration des personnes handicapées, définie comme obligation nationale depuis 1975, ne soit toujours pas pleinement satisfaite. Quel que soit le handicap dont elle souffre, une personne a besoin de pouvoir faire ses courses, d'aller au musée ou au cinéma, de prendre les transports en commun ou de pratiquer une activité sportive.

C'est la raison pour laquelle il nous faut adopter ce projet de loi indispensable au maintien de l'objectif d'accessibilité fixé par la loi du 11 février 2005. Il permettra, selon les vœux du Gouvernement, « d'impulser rapidement une accélération des aménagements dans les prochains mois et d'engager un processus irréversible vers l'accessibilité universelle ». Il nous permettra de répondre aux attentes des personnes limitées dans leur vie quotidienne, tout en prenant en compte les difficultés de certaines collectivités et entreprises confrontées à des problèmes de temps et de coût.

Madame la rapporteur, ce projet de loi s'inscrit dans la continuité de votre rapport « Réussir 2015 » et met en place les mesures préconisées par les instances de concertation que vous avez présidées. Je tenais à vous remercier pour votre investissement et pour le travail que vous accomplissez depuis des années afin que se poursuivre la politique en faveur de l'accessibilité, même si je sais que, bien entendu, vous n'étiez pas seule à soutenir ce projet.

Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire va dans le bon sens, et je me félicite des améliorations que chacune des assemblées a pu apporter au texte.

La Haute Assemblée a complété le dispositif, notamment en précisant les seuils démographiques relatifs à l'obligation d'élaboration des plans de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics.

Je tiens également à saluer le travail de nos collègues de l'Assemblée nationale. Ils ont souhaité sécuriser davantage le dispositif des agendas d'accessibilité programmée en les rendant obligatoires et en fixant une date limite à leur dépôt.

Ils ont par ailleurs introduit l'obligation de formation et de sensibilisation à la question du handicap pour le personnel recevant du public.

Enfin, sur votre proposition, madame la secrétaire d'État, ils ont clarifié la disposition portant sur les chiens guides d'aveugle. Je ne peux, à ce sujet, que saluer votre volonté d'élargir le champ des personnes autorisées à entrer dans les lieux publics accompagnés d'un chien guide. C'est une très bonne chose.

Après le décret de février dernier, cette disposition est une nouvelle avancée pour l'accessibilité universelle.

L'obligation d'accessibilité doit être considérée non pas comme une contrainte, mais comme une source de bien-être pour une grande partie de nos concitoyens. C'est dans cet esprit, madame la secrétaire d'État, que le groupe RDSE, à l'unanimité, apportera son soutien à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

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Dans sa réponse aux différents intervenants, Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État aux personnes handicapées, a répondu aux points soulevés par Mme Laborde concernant principalement les questions financières et la simplificaiton des démarches administratives notamment dans la constitution des dossiers.

Extraits de la réponse de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État :

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Je veux maintenant revenir sur la question des moyens de financement, car un certain nombre d'entre vous souhaitent que les choses aillent plus vite – ce qui est notre vœu à tous –, tout en exprimant des inquiétudes sur les moyens de financement de ces travaux d'accessibilité par les collectivités publiques et les entreprises privées.

C'est sur cette question que je veux souligner qu'on oublie de parler d'une grande partie de la concertation que vous avez menée, madame la sénatrice. Cette concertation a permis un réajustement des normes, et en particulier une simplification d'un certain nombre d'entre, afin notamment de réduire le coût des travaux. Je prendrai trois exemples.

Premier exemple, que j'avais déjà mentionné : un petit commerce aura désormais la possibilité d'installer une rampe amovible, alors que, auparavant, les rampes étaient forcément en dur. Le coût est bien sûr beaucoup moindre : 10 000 euros pour la rampe en dur, contre 1 500 à 2 000 euros pour la rampe amovible, par ailleurs tout aussi efficace.

Deuxième exemple : jusqu'à présent, l'entrée principale d'un établissement devait obligatoirement être celle qui était mise en accessibilité. Désormais, cela pourra être une autre des entrées qui sera mise en accessibilité, à condition qu'elle soit effectivement accessible pour tous les types de public, handicapés ou non.

Troisième exemple : quand un restaurant dispose d'une mezzanine, si le service est identique à l'étage et au rez-de-chaussée et que l'activité en mezzanine représente moins de 25 % de l'ensemble de l'activité du restaurant, il n'y aura pas d'obligation d'installer un ascenseur pour accéder à la mezzanine.

C'est donc toute une série d'aménagements et de simplifications des normes de ce genre qui est prévue. Les normes seront ainsi plus pragmatiques et, si je puis dire, moins idéologiques : elles permettront de rendre accessible l'ensemble des établissements, tout en réduisant le coût des travaux.

J'en viens au dernier point : j'ai beaucoup insisté et j'insiste toujours pour que le dossier des agendas d'accessibilité programmée soit le plus simple possible, et notamment le formulaire qui sera donné à remplir à l'ensemble des établissements, aussi bien par les petites communes que par les petits artisans – car on sait bien que ces derniers ont déjà beaucoup de documents administratifs à remplir.

J'insiste donc fortement auprès de l'administration pour que ce document soit simple et également pour qu'il n'y ait pas de pièce-jointe à fournir. Pour ce faire, il suffirait d'adopter le principe qui prévaut pour la déclaration de revenus : la personne remplit sa déclaration puis, éventuellement, si elle le souhaite, l'administration demande des pièces complémentaires. Bien entendu, j'insiste pour que ce formulaire soit au moins téléchargeable en ligne. Peut-être même aura-t-on la possibilité de le rempli en ligne, en tout cas j'y travaille.

Encore une fois, mon objectif n'est pas que les collectivités et les entreprises passent leur temps à remplir des formulaires et à apporter des documents à l'administration. Mon objectif, c'est qu'ils réalisent les travaux de mise en accessibilité de leurs établissements pour l'ensemble des personnes. Voilà à quoi ils doivent consacrer leur énergie, et non à du remplissage de formulaires. Par conséquent, notre rôle, maintenant, c'est de simplifier au maximum ce passage obligé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. André Gattolin, Mme Françoise Laborde et M. Vincent Capo-Canellas applaudissent également.)

M. le président. La discussion générale est close."