CMP Orientation et réussite des étudiants

CMP Orientation et réussite des étudiants

Je suis intervenue dans la discussion de la CMP qui conclut l'examen par le Sénat du projet de loi pour l'orientation et la réussite des étudiants.

Le 15 février 2018, j'ai présenté en tant que cheffe de file la position du groupe RDSE sur ce texte.

Voici  mon intervention :

" Monsieur le Président, Madame la Ministre, Mes chers collègues,

Les mutations de la société doivent être prises en considération par les décideurs politiques pour permettre l’accès de tous nos concitoyens aux connaissances et aux savoirs. Des transformations structurelles liées à l’automatisation des tâches et au développement de l’intelligence artificielle affectent parallèlement le marché du travail et l’emploi, en profondeur.

S’engager dans la voie du changement pour construire une société où les jeunes s’épanouissent et disposent des outils nécessaires pour s’adapter à ces bouleversements, est un long travail qui reste à accomplir. L’université a un rôle central à jouer en la matière.

Pourtant, comme l’exprimait justement Jacques CHABAN-DELMAS en 1969 devant l’Assemblée nationale : « Nous ne parvenons pas à accomplir des réformes autrement qu’en faisant semblant de faire des révolutions ».

Si le groupe RDSE s’est prononcé contre l’instauration d’une sélection aveugle à l’entrée de l’université, c’est parce qu’il a jugé qu’elle serait socialement discriminatoire et aggraverait les inégalités scolaires déjà très prononcées dans notre pays. Notre groupe a donc tenté, par ses amendements, d’en atténuer les effets lors de l’examen du présent projet de loi.

A l’issue de la réunion de la commission mixte paritaire, quelques avancées peuvent toutefois être saluées. La grande majorité des éléments qui présentaient l’enseignement supérieur dans une logique essentiellement économique a été extirpée du texte. C’est positif car le parcours d’orientation doit être adaptable à tout moment en fonction des aspirations de l’étudiant, des capacités qu’il peut développer parfois tardivement, ou encore, de sa motivation. Pour ces raisons, nous estimons que l’orientation ne doit pas être élaborée exclusivement à l’aune des attentes présupposées des entreprises.

En première lecture, nous étions en particulier opposés à une détermination des capacités d’accueil, directement corrélée au taux de réussite et d’insertion professionnelle des formations. Désormais, la rédaction retenue par la CMP est devenue plus vague avec une référence aux perspectives d’insertion professionnelle, aux projets de formation et de recherche de l’établissement ou encore à l’évolution des projets de formation des candidats. Ce dernier critère correspond mieux à ce que le RDSE a défendu, même si nous reconnaissons la faible portée législative de ces dispositions.

Je me réjouis principalement que, dans le cadre de la dernière partie de la procédure de préinscription, pour les candidats sans affectation, mais aussi dans la procédure de réexamen pour circonstances exceptionnelles, la CMP ait tranché en faveur d’une décision prise par le recteur, respectant le principe de l’accès de tous les bacheliers au premier cycle de l’enseignement supérieur. C’est un droit qui ne doit pas leur être retiré, le baccalauréat étant le premier grade de l’enseignement supérieur. Je salue également le maintien de notre amendement qui prenait en compte le projet de formation du candidat sans affectation.

Enfin, préserver l’objectif de maîtrise de la langue française est bienvenu, même si nous aurions préféré une concrétisation de ces dispositions purement déclaratoires dans le cadre de modules d’accompagnement proposés par les universités.

Je regrette, en revanche, la persistance de problèmes qui n’ont pas obtenu de solutions acceptables, tels que le frein à la mobilité et l’accès aux universités parisiennes où l’on constate un pourcentage maximal de bacheliers « hors académie », en particulier pour les bacheliers d’outre-mer.

Le sort des bacheliers professionnels et technologiques n’est toujours pas non plus réglé et, pourtant, l’objet de cette loi porte également sur la réussite des étudiants. L’amendement que nous proposions visant à établir un pourcentage plancher de ces bacheliers dans les filières STS et IUT, a été rejeté par le Sénat alors qu’il permettait d’apporter une première réponse.

Si l’on ne peut nier les améliorations apportées par le projet de loi, par rapport à la situation actuelle, on se rend compte au fil des discussions que la très grande partie des candidats fera encore l’objet d’un traitement déshumanisé de la procédure, par l’intervention d’algorithmes locaux. Seuls ceux qui n’auront pas été les mieux classés bénéficieront d’une intervention humaine et la prise en compte du parcours extrascolaire du bachelier instaure, j’insiste, des critères socialement discriminants.

Surtout, dans un contexte de réforme en cours du baccalauréat, on ne voit plus très bien où l’on va. Avec la disparition des filières S, L et ES, la mise en place d’un tronc commun et de spécialités, le Gouvernement s’engage-t-il à revoir les critères de Parcoursup ? C’est la confusion.

Les universités ont subi dans un passé très récent un sous-investissement chronique et des prélèvements par l’Etat sur leurs fonds de roulement. Dans ce contexte, leur manque de moyens, accroît, non seulement, le caractère sélectif de l’entrée dans les formations en tension, mais impacte aussi l’ensemble des étudiants dans leurs conditions de travail.

Lors de l’examen de la loi relative à la sélection en Master à l’université, notre rapporteur avait souligné qu’il existait, je cite, « un risque d’instituer une université à deux vitesses, entre des masters de premier choix, sélectifs, et des masters poubelles qui accueilleront les étudiants recalés ». C’est exactement ce que nous craignons dès l’entrée en première année entre les filières en tension et les autres.

Ce sous-investissement et la faible efficience de l’allocation des moyens, en matière de politique de l’éducation au sens large, risque d’être dommageable à long terme pour l’ensemble de la société. Comme on l’entend souvent outre-Atlantique : « Si vous pensez que l’éducation est chère, essayez l’ignorance ».

Avec ce texte, la rentrée devrait se passer dans de meilleures conditions que l’année dernière et nous le savons, il s’agit de régler en urgence l’affectation des bacheliers dès la rentrée prochaine. Le présent projet de loi aura au moins le mérite de parvenir à cette fin."