La laïcité garante de l'unité nationale, en débat au Sénat

La laïcité garante de l'unité nationale, en débat au Sénat

Je suis intervenue, le 8 janvier 2020, au Sénat dans le débat demandé par mon groupe, le RDSE, sur la laïcité : garante de notre unité nationale.

Texte de mon intervention à la tribune :

"Monsieur le Ministre, Monsieur le Président, Mes chers Collègues

Il y a 5 ans presque jour pour jour, la République était frappée au cœur.

Il y a 5 ans presque jour pour jour, mon ami Charb perdait la vie avec les membres de la rédaction assassinée du journal satirique, Charlie Hebdo.

Après les militaires tombés à Montauban et les élèves de l’école juive de Toulouse, massacrés en 2012, d’autres attaques terroristes ont encore tué en novembre 2015 au Bataclan, au stade de France, à l’hyper casher, sur les terrasses, puis à Nice en 2016, à Trèbes, à Saint Etienne de Rouvray, à Marseille, à la préfecture de Paris. Et la semaine dernière, à nouveau, à Villejuif.

Je tiens à rendre hommage solennellement à toutes les victimes de ces actes inqualifiables.

Ces coups de boutoir ont ébranlé notre République mais n’ont pas fait vaciller ses fondements humanistes et universalistes. Leur objectif : tenter d’abattre notre socle républicain, notre arbre de la liberté dont les ramures sont la liberté de penser, la liberté d’expression, celle de critiquer les religions, de s’amuser en célébrant le sport, la chanson ou la fête nationale, de croire ou de ne pas croire, la liberté de conscience. Car ce sont bien elles qui ont été visées, il y a 5 ans.

Avec les membres de mon groupe, je ne veux retenir de ces jours sombres que les jours d’après la stupéfaction. Plus de 4 millions de nos compatriotes sont descendus dans la rue, le 11 janvier 2015,  pour exprimer leur solidarité, se serrer les coudes face à l’adversité et rendre un hommage poignant, encore aujourd’hui dans notre mémoire collective, à toutes les victimes, aux intellectuels idéalistes qui se battent pour faire vivre nos principes républicains au prix de leurs vies mais aussi aux forces de l’ordre qui ont été en première ligne pour apporter secours aux victimes et traquer leurs assassins qui ont tué au nom de l’obscurantisme et du terrorisme islamiste.

Je me souviens aussi de la solidarité internationale, notre République accueillant les chefs d’Etat du monde entier venus épauler nos concitoyens.

Je me souviens encore de la statue de la République, dressée sur la place du même nom, devenu un promontoire bigarré, tagué, éclairé par les bougies et les messages des anonymes venus, durant des jours, des semaines, des mois, communier avec autant d’ex voto et de slogans :

Je suis Charlie ;

Nous sommes tous Charlie ;

Même pas peur !

Vous n’aurez pas notre haine ;

Charliberté ;

Mourir pour un dessin ;

C’est l’encre qui doit couler pas le sang ;

La liberté de la presse n’a pas de prix !

Je me souviens des paroles prononcées par Charb, en 2012, à l’occasion du prix national de la Laïcité qu’il m’a remis à l’Hôtel de ville de Paris, comme une prémonition : « je préfère mourir debout que vivre à genoux ». Aujourd’hui nous le savons, la liberté a un prix, celui du sang.

La France a surmonté toutes ces épreuves, avec le temps, et l’on peut réaffirmer, aujourd’hui, comme il y a 5 ans, que notre République est plus forte que la haine.

En cette période de recueillement, les membres du groupe RDSE ont voulu inscrire à l’ordre du jour du Sénat un débat consacré à la Laïcité, garante de notre unité nationale. En effet, nous considérons que ce principe constitutionnel, propre à la France, a d’abord et avant tout contribué à l’émancipation individuelle, en garantissant à chacun que son droit de croire ou de ne pas croire sera protégé par la loi et respecté par autrui. En cela, la laïcité, adossée à la loi de 1905, a contribué et continue encore à préserver l’unité de notre pays dans la paix et la concorde civile. 

Comme je l’ai déjà dit à cette tribune, la France peut s'enorgueillir d'avoir fait des Lumières la source de son pacte républicain, contre tous les fanatismes, rassemblant nos concitoyens dans ce qu'ils ont de commun, par-delà leurs origines et leurs croyances, recherchant l’égalité des droits entre les individus quelles que soient leurs particularités, leurs convictions religieuses ou leur place dans la société.

La laïcité renforce les principes républicains de fraternité, d’égalité et de liberté. Un individu ne saurait être résumé à ses identités particulières. Nous refusons la tentation, à laquelle certains ont cédé, de privilégier le repli sur une vision essentialiste de l’individu.

Avec les membres du groupe RDSE, nous ne laisserons pas l’instrumentalisation de nos valeurs républicaines gagner les esprits au profit d’une vision communautariste de la société, quelle qu’elle soit, ou d’une radicalisation à des fins électoralistes et de division.

Il nous faut, néanmoins, nous interroger sur les raisons pour lesquelles des français ont attaqué nos valeurs républicaines de la sorte. En aucun cas le terrorisme n’a pour cause notre modèle républicain qui serait supposément défaillant en raison, notamment, de la laïcité. Ne nous trompons pas d’ennemi. La laïcité est bien un facteur de cohésion, de dialogue, de rassemblement de notre communauté nationale.

Dès le lendemain du 7 janvier 2015, a débuté l’examen de conscience nécessaire pour comprendre les racines du mal et ainsi mieux le combattre. Pourquoi, à rebours de la laïcité, certains choisissent-ils de s’enfermer dans une communauté, rejetant les principes de notre société, s’engageant sur la voie de la violence et de la radicalisation ?

En tant que parlementaires, sur ces bancs du Sénat, nous avons pris et continuons à prendre notre part de responsabilité dans ce travail d’analyse, pour contribuer à lutter contre une forme de radicalisation idéologique protéiforme qui voudrait abattre notre modèle de démocratie républicaine.

Nous le faisons, par exemple, dans le cadre des commissions d’enquête, comme en 2015, avec celle consacrée à « l'organisation et aux moyens de lutte contre les réseaux djihadistes, en France et en Europe », ou celle que j’ai présidée en 2016 « Pour faire revenir la République à l’école », ou encore en 2018, celle consacrée à « l'évolution de la menace terroriste après la chute de l'État Islamique » et aussi, actuellement avec les travaux engagés sur « la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre », commission d’enquête présidée par notre collègue Nathalie Delattre.

A ceux qui interrogent notre modèle républicain, considérant en particulier que la loi de 1905 doit être modifiée, pointant du doigt la laïcité comme cause de certains de ses maux ou cherchant à chaque occasion à l’instrumentaliser pour diviser davantage nos concitoyens selon leurs croyances ou leurs origines, à ceux-là, oui, la réponse de notre groupe est claire, la laïcité est avant tout garante de notre unité nationale en tant que facteur d’égalité entre individus, dans le respect qui leur est dû.

Les français, tout comme nos voisins européens, se sécularisent davantage d’année en année, des études le confirment régulièrement. Il nous faut donc tenir bon et préserver la séparation de l’organisation de l’Etat de celle des cultes, qui garantit qu’aucune religion ne peut revendiquer sa supériorité à la loi commune des citoyens, ou encore l’obligation de neutralité des services publics et l’égalité des droits entre les individus, entre les femmes et les hommes.

C’est la raison pour laquelle, en tant que présidente de l’association laïque EGALE Egalité Laicité Europe, fondée par notre ancien collègue Gérard Delfau, j’ai signé l’appel du 11 janvier, lancé par le collectif laïque national, pour appeler les français à se rassembler à cette date dans toutes les villes de France.

Les membres du groupe RDSE, à leur tour, appellent toutes les citoyennes et tous les citoyens, partout où ils se trouvent et sans distinction d’origine, de sexe, d’appartenance religieuse ou philosophique, à se joindre à ce rassemblement, le 11 janvier prochain, pour célébrer notre unité, témoigner de notre attachement à la liberté de conscience et à la liberté d’expression, à l’émancipation individuelle en un mot à l’universalisme de la République française.

Ensemble nous pourrons réaffirmer : Nous sommes Charlie nous sommes la République !

Le groupe RDSE, vous le savez Monsieur le Ministre, a toujours placé la laïcité au frontispice de ses principes. Nous continuerons, quels que soient le sens du vent, les esprits chagrins ou les aboiements de la meute.

Monsieur le Ministre, notre pays a aujourd’hui besoin d’apaisement et de sérénité. Faire vivre la laïcité doit n être un pilier essentiel. Nous souhaitons pouvoir compter sur l’engagement de votre gouvernement."

 

 

pdfTélécharger mon intervention le 8 janvier 2020 au Sénat.

 

 

 

Tribune dbat lacit 080120