Mineurs vulnérables sur le territoire français

Mineurs vulnérables sur le territoire français

Jeudi 28 mai 2020, je suis intervenue au Sénat dans la discussion générale de la proposition de loi visant à apporter un cadre stable d'épanouissement et de développement aux mineurs vulnérables sur le territoire français, présentée par ma collègue et amie, la sénatrice du Cantal, Josiane Costes.

 

 

 

 

 

Pour regarder la vidéo de mon intervention, caler à 1 h 33 min :

 

 

 

Voici le texte intégral de mon intervention au nom du groupe RDSE : 

"Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, 

Madame et Monsieur les rapporteurs, Mes chers collègues,  

Ces dernières années, le législateur s’est régulièrement emparé de la cause des enfants, à la fois, sous l’influence d’une prise de conscience au niveau national de l'impact des violences intra familiales dont certains enfants sont victimes, d’un contexte international dramatique de guerre et de crise économique qui jettent sur les routes et sur les mers des familles, leurs enfants et des jeunes seuls, pour venir frapper aux portes de l’Europe mais aussi d’un mouvement juridique majeur intervenu au niveau international.

Bien sûr, des glissements sociétaux ont préparé ce changement de paradigme, en France et dans le monde, comme avec la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989, contraignante, qui a consacré le changement de regard des adultes sur les enfants et qui produit des jurisprudences dont nous ne mesurons pas encore toute la portée, ou encore, avec des initiatives non contraignantes comme la déclaration de Genève de 1924 ou la création de l’Unicef en 1947.

Ces dernières années, les occasions législatives de rendre les droits des enfants plus effectifs se sont multipliées de façon trans-partisane. Je pense, bien sûr, à la loi de 2016 sous le précédent quinquennat, comme cela a déjà été rappelé et, plus récemment, à l’adoption de la loi sur les violences éducatives ordinaires ou de celle sur les violences au sein de la famille. Ces initiatives ont permis de rendre visible la vulnérabilité de certains mineurs, du fait de relations familiales toxiques, trop fragiles ou inexistantes. Vous connaissez aussi mon engagement pour la lutte contre les violences sexuelles sur les mineurs et contre l’inceste.

Laborde Costes mineurs isols 280520

Dans un premier temps, la médiatisation de ces violences a permis de sensibiliser la population et de lever les tabous dans toutes les institutions, familiales, scolaires, et même ecclésiastiques. 

Dorénavant, la problématique se déplace vers la question de la prise en charge des mineurs vulnérables. Ces derniers mois, plusieurs reportages ont mis en lumière les limites de notre système de protection de l’enfance et l’insécurité qui peut, à la fois, découler du manque d’encadrement et de l’instabilité des parcours, pour ces jeunes.

C’est dans ce contexte que notre collègue, Josiane Costes, forte de son expérience de conseillère départementale et d’enseignante, a décidé de s’engager pleinement devant le Sénat pour porter sa proposition de loi, soutenue par mon groupe du RDSE. Très soucieuse d’améliorer la protection des mineurs, elle a voulu mettre toutes ses convictions à leur service  afin de leur donner un cadre de vie décent, en particulier pour les plus vulnérables d’entre eux.

C'est un sujet qu'elle porte depuis de nombreuses années et je tiens à lui rendre hommage pour cette initiative parlementaire qui ne se contente pas de dénoncer les limites du système de protection de l’enfance actuel. Elle propose d’y apporter des solutions destinées à tous les mineurs vulnérables, français et étrangers, je ne ferai pas de commentaires sur les propos entendus sur ces bancs et je reviens à mon texte, ces enfants placés auprès des services de l’aide sociale à l’enfance. 

Ses propositions reposent sur le constat de l’affaiblissement budgétaire des départements, qui est malheureusement une tendance structurelle. Cet affaiblissement est lié, en partie, à la performance croissante de la détection des cas problématiques, notamment, depuis la loi de 2016 : mieux on détecte les cas de maltraitance et plus nombreux sont les enfants à prendre en charge, c’est inévitable, c'est mathématique.

Mais surtout, la difficulté financière des départements est liée à l’aggravation de la situation sociale sur notre sol, au renforcement des inégalités et à l’émergence de nouveaux « publics » des services sociaux : les personnes admises à l’asile et les mineurs non accompagnés. Sans un effort financier supplémentaire substantiel de l’Etat, il est à craindre que la qualité de la prise en charge des mineurs pâtisse de la dégradation de la situation financière des conseils départementaux. 

Dans son travail, notre collègue s’est attachée à adopter une philosophie positive et à poursuivre les travaux dans la direction de la loi de 2016, qui avait en particulier réformé l’adoption simple en la rendant irrévocable durant la minorité. Toutes les propositions de ce texte visent, en réalité, à ce que l’enfant puisse bénéficier d’une plus grande stabilité, d’un accueil dans la dignité et le respect de ses droits, rendant possible un accès à l’éducation, sans être balloté entre sa famille biologique, les foyers et les familles d’accueil, tout en préservant son droit à connaitre ses origines. 

Il s’agit de s’élever au-dessus des oppositions classiques de la protection de l’enfance, d’une part, entre la préservation absolue des liens biologiques et, d’autre part, l’idéalisation d’une protection étatique et, ainsi, de sortir de tout dogmatisme, ce qui est un souci constant des membres du groupe RDSE, comme vous le savez. On confond trop souvent, encore, l’intérêt supérieur de l’enfant et celui de ses parents. 

De façon indirecte, ces nombreuses propositions pourraient permettre de repenser l’action des départements, au moment où la prise en charge des jeunes majeurs et des mineurs isolés étrangers bute essentiellement sur la question financière, comme l’a montré récemment l’examen de la proposition de loi Bourguignon à l’Assemblée nationale. Rappelons qu’en 2019, selon les chiffres de l’Assemblée des Départements de France, la seule prise en charge des mineurs isolés étrangers s’est élevée à 2 milliards d’euros. C’est pourquoi, il est apparu nécessaire que ces propositions soient présentées dans le même texte qui comporte, également, d’importantes propositions de simplifications administratives en direction des mineurs non accompagnés, lesquels continuent de se trouver dans un angle mort de nos politiques publiques. 

Ainsi, avec Josiane Costes, mon groupe espère ouvrir des travaux sur l’adaptation de la protection de l’enfance à ces nouveaux paradigmes juridiques et sociétaux, afin de renforcer l’égalité des chances de tous les mineurs présents sur le sol de la République. 

Nous sommes tout à fait favorables, d’une part, à ce que le débat puisse se poursuivre dans un esprit de co-construction respectueux du travail parlementaire et, d’autre part, à ce que tous les acteurs concernés puissent être associés à cette démarche, comme le permet la navette parlementaire. Sa lenteur a parfois des vertus ! 

Je vous remercie."

 

 Télécharger mon intervention du 28 mai 2020 au Sénat :

pdfIntervention F. Laborde - PPL Mineurs isolés - 280520

 

 

Dossier législatif complet :

https://bit.ly/36Ds0BF